Des livres à l’atelier
Au début des années 80 Eric Fonteneau rassemble dans son atelier livres et revues de sa bibliothèque. Il regroupe aussi l’ensemble de ses documents, photos dessins et projets dans des carnets, cahiers classeurs et fascicules de toutes sortes. Dans certains de ces registres il recopie littéralement des textes d’auteurs (Gracq principalement) et des récits de voyage anonymes. Dans le corps même de ces textes il fait apparaître par transparence, des images retouchées à l’encre. Ainsi ouvrages réels et livres imaginés cohabitent en un seul et même corpus bibliographique Des « sites d’exploration »
En 1984 EF loue un grand entrepôt sur le port de Nantes dans lequel il commence à faire des mises en scène d’objets : tables, vitrines, livres, cartes d’état major et plans de villes animeront les lieux. Il concevra dans cet espace « un Cabinet de dessins », « une Chambre des cartes », « une Bibliothèque » de papier et beaucoup plus tard « une Salle à tracer ». Ces pièces inventées qu’il nomme lui-même « sites d’exploration » ne sont pas conçues successivement mais simultanément. Elles seront développées au gré du temps, des circonstances et adaptées aux lieux quand les opportunités d’expositions arriveront. La Bibliothèque, par exemple, sera présentée cinq fois de façons différentes en France et à l’étranger. EF conçoit donc son atelier comme un projet vivant de type évolutif et non comme un endroit de seule fabrication d’objets. Des techniques variées
Si la pratique du dessin est au cœur du travail de l’artiste, EF a aussi recours à une grande variété de moyens d’expression tels que le collage, la maquette, la photographie, le verre taillé et la plaque imprimée etc...Sensible à l’idée de fabrication et à la qualité des matériaux mis en œuvre, EF accorde de l’importance à l’aspect tactile de son travail. Le toucher de l’œuvre est même parfois requis pour certaines de ses expositions. Ainsi les visiteurs seront invités à décrypter du bout des doigts les surfaces des pièces présentées lors des expositions « l’invention du monde » (Centre Georges Pompidou) et « onde de pierre »(Crypte de Rosnay l’Hôpital). Le choix géographique
L’abondance d’informations a sans doute ses limites. En effet la multitude des données, la prolifération des documents et l’arrivée de l’ordinateur induisent des directions de travail trop variées pour EF. Il choisira en 1991, suite à des correspondances avec l’Institut de géographie National, de se consacrer pour un temps à un thème unique de travail ; la géographie. Ce choix ne lui vient pas d’une fascination esthétique ou nostalgique pour la carte mais d’une intuition selon laquelle la carte serait une source intarissable d’idées.La géographie physique, la projection géodésique, l’échelle de représentation semblent en effet correspondre à son intention plastique. Dès lors, Eric Fonteneau déclinera des projets inventifs en deux ou trois dimensions. Il s’exprimera en dessin et en sculpture il convoquera le minuscule puis le monumental. Du simple tracé sur feuille il passera par exemple à l’installation d’un immense cercle sur la mer. 240 mètres de diamètre, tel est la dimension de l’œuvre in situ réalisée lors des ateliers internationaux de Fontevraud.
Un album blanc
Un choix des pièces de cet album sera présenté à la galerie Paule Anglim de San Francisco puis au Centre Georges Pompidou lors de l’exposition « L’invention du monde ». EF est un marcheur, un arpenteur au sens réel du terme et non un simple voyageur. Ses destinations correspondent toujours à une idée ou bien à un programme de travail précis. En marchant pendant 20 ans il a ciselé son sujet et découvert les techniques appropriées à l’expression du déplacement. Les œuvres ne sont pas des vues instantanées, elles suivent, parcourent le cours d’un fleuve ou la ligne de vie d’une feuille. Elles conduisent le regard vers un espace ouvert et blanc au-delà de l’image. On reconnaîtra là une influence orientale,celle d’ Hiroshige en particulier, et celle aussi de l’esprit de chronique du livre japonais (Ehon). Les « sites d’exploration » des années 80 n’étaient donc ni nostalgiques, ni clos sur eux-mêmes, ils étaient des clés, des ouvertures et même des fondations d’une œuvre de mouvement… en devenir… |
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